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Mon cher Maroc

Comme c'est mon confident, je lui raconte, sous son regard admiratif, que je sais nager depuis des années comme les grands !
" Mon premier bain, tout seul, je l'ai pris à un an et demi ! Un jour j'ai réussi à déjouer la vigilance de mes parents qui se baignaient à tour de rôle pour me garder : Papa part en avance ? Quelle chance, maman n'est pas encore là, c'est le moment où jamais ! J'ai couru dans l'eau et je suis tombé… Comment font-ils ? A oui, il bougent les bras et les jambes. Il ne reste plus que mon chapeau à la surface. Bon, je reconnais, ce n'était pas évident… Mais j'étais dans l'eau. Et puis j'ai soudain senti qu'on m'arrachait, pourquoi avaient-ils si peur, tout allait bien… "
Je me suis entendu dire :
-<< A fait boum ! >>
On ne m'a même pas disputé !
(Après mon exploit de nageur)

Mon caractère se forgeant, je teste et met à l'épreuve régulièrement les limites que m'autorisent mes parents, par un caprice bien adapté… Mon père m'emmène alors menaçant en haut des remparts pour voir la taverne du père fouettard (ce sont en réalité les gens qui sont dans le souk en dessous) d'où j'aperçois terrorisé à travers les grilles posées au sol, ce qui de cette hauteur me semble la prison des enfants pas sages. (La prison des enfants)






 
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Mon cher Maroc

Malgré tout, ces premières années s'égrainent avec douceur, je suis un enfant plus que gâté. Dans un coin de la terrasse, trône un tas de jouets et de peluches qui s'avère énorme à mes yeux. (Tout est bien là)

Un noël, Torès, un ami de mes parents, m'offre un chapiteau de cirque en toile qu'il a confectionné lui-même. Posé sur sa table et dressé sur une base en bois, il apparaît aussi réel qu'un vrai : il a même des haubans qui relient les mats au piquets. L'été suivant, pour mon anniversaire, mon père m'offre une voiture à pédale, qu'il a équipé de lumières et d'un klaxon, comme dans les vraies.
(Ma belle voiture)

Un soir de novembre, j'apprends avec déchirement qu'il va falloir quitter ce pays, pour venir définitivement habiter en France. Je sens les larmes couler sur ma joue, que vont devenir Danièle et mes amis ? (A Camp Marchand avec Danielle)

Heureusement, plus tard, j'y reviendrai des dizaines de fois retrouver ces amis, cette ambiance exceptionnelle, cette hospitalité légendaire d'une famille inconnue qui vous accueille chez elle comme si nous nous étions toujours connus : Un jour effectivement, je retourne dans le grand Sud Marocain faire des photos pour le journal Stéphanie. A la fin de la journée, je demande à un jeune passant, aux abords d'un village qui m'est inconnu, où nous pourrions trouver un restaurant. Devant son insistance que je suis seul à comprendre (il ne parle pas français), j'invite mon petit monde à le suivre.